L’intérêt de Marco Leeflang pour Casanova est né en 1972, avec la lecture du volume IV de l’Histoire de ma vie (dans l’édition du Livre de poche de 1969, annotée par Jacques Branchu). En 1973, il programma un séjour à Venise, où il eut la chance de rencontrer Pierre Gruet, qui venait, quelques jours auparavant, de fonder l’Istituto Francese di Studi Storici, abrité dans la Ca’Vendramin sur l’île de la Giudecca à Venise. L’Istituto était un centre dédié aux études casanovistes.
Gruet invita Leeflang à participer aux rencontres annuelles des casanovistes de l’Istituto. Après avoir réfléchi à la façon dont il pouvait apporter sa contribution aux études casanovistes, Leeflang choisit de se concentrer sur la vie de Casanova à Dux, où, à sa mort en 1798, le Vénitien avait laissé un ensemble de quelque 8 000 pages manuscrites. À cette époque (1973), peu de casanovistes connaissaient la Tchécoslovaquie et ses collections de manuscrits de Casanova. Leeflang comprit l’importance d’établir des relations avec les archivistes tchèques, et il eut l’idée de mettre ses compétences informatiques au service du catalogage des manuscrits afin de les rendre plus accessibles aux chercheurs.
Leeflang visita la Tchécoslovaquie pour la première fois en 1975. Il y rencontra Josef Polišenský, professeur d’histoire à l’Université de Prague, ainsi que Vladimir Budíl, archiviste du Fonds Casanova, qui était alors conservé dans la ville de Mnichovo Hradiště. Polišenský et Budíl firent bon accueil à Leeflang et lui servirent de mentors dans ses explorations. Ils lui firent aussi connaître le travail du casanoviste Bernhard Marr (1856-1940).
L’intérêt de Marco Leeflang pour les manuscrits de Casanova le poussa aussi à rendre visite au casanoviste et ex-ambassadeur américain J. Rives Childs, que Leeflang connaissait grâce aux rencontres organisées par Gruet à Venise. Childs avait réuni une vaste collection d’ouvrages sur Casanova, ainsi que des photos et des microfilms des manuscrits de Casanova (dont la plupart provenaient de Tchécoslovaquie). En 1978, à l’invitation de Childs, Leeflang se rendit en Virginie, notamment pour cataloguer ses copies de manuscrits.
L’aboutissement de ce travail fut le premier répertoire informatisé des manuscrits casanoviens de Dux, que Leeflang baptisa Duxionnaire. Édité pour la première fois en 1980, ce Duxionnaire fut continuellement augmenté et amélioré par son auteur pendant les décennies suivantes. Dans les années 1980 et 1990, Leeflang entreprit aussi une transcription annotée du catalogue de Marr, comprenant une transcription des manuscrits de Casanova. Leeflang fit circuler ces Archives de Dux parmi les casanovistes pendant des années avant d’en donner l’accès au public via l’ULiège Library.
Au fil des ans, Leeflang fit quelque vingt-cinq séjours d’étude à Dux et dans ses environs. En 1982 et 1988, il organisa deux visites des sites tchèques d’intérêt casanoviste. Le premier voyage aida à pallier le déficit de communication entre la fin des Casanova Gleanings et le lancement du nouveau périodique, l’Intermédiaire des Casanovistes. Le second voyage à Dux coïncida avec le bicentenaire de la mort de Casanova. Avec le maire honoraire de Dux, Josef Zada, Leeflang aida à mettre sur pied un musée et un centre d’études casanovistes à Dux. Il réussit à obtenir des éditions Brockhaus (à cette époque, propriétaire de l’Histoire de ma vie) le prêt d’une copie du manuscrit au musée de Dux.
Pendant cinq décennies, Leeflang a été un casanoviste de premier plan, contribuant sans cesse à enrichir les connaissances du domaine et partageant avec générosité son travail et ses découvertes avec des casanovistes du monde entier. Outre son travail sur les Archives de Dux, il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur Casanova. Il a aussi accordé des interviews et est intervenu dans des documentaires.
"C’est pendant l’été 1973 que je fis connaissance avec les archives casanoviennes. L’endroit : un beau château de la famille Waldstein à Mnichovo Hradiste (Münchengrätz), une salle d’étude simple, petite, qui permettait un service rapide, et surtout un archiviste très coopératif, le Docteur Vladimir Budíl. « Qu’est-ce que vous souhaitez consulter ? », me demanda-t-il. Et là je fus saisi d’un grand désarroi. Comment commander sans avoir aucune idée de ce qu’on peut demander ? Comment ces archives étaient-elles organisées ? Y avait-t-il une liste, un catalogue, un index des noms ? Budíl me donna les gros livres du catalogue de Bernhard Marr. Et, ce premier jour, je n’ai rien fait d’autre que de lire quelques lettres que le hasard me fit demander.
Ce jour-là, j’ai réalisé que sequere Deum ne suffisait pas pour étudier ces archives et qu’il me faudrait faire une boîte à outil pour moi-même et pour les autres casanovistes. Il fallait une boîte qu’on puisse emporter chez soi et qu’on puisse utiliser sans devoir franchir les frontières inhospitalières et terrifiantes qu’étaient à mes yeux celles de l’État communiste de l’époque.
Le lendemain, à Dux, je découvris que je n’étais pas le seul à avoir désiré ouvrir des voies d’accès durables dans cette montagne de feuilles. On m’introduisit au travail de Bernhard Marr (1856-1940), industriel de Dux, qui consacra une grande partie de sa vie à Casanova. Marr et Marco, Marr and Co : sequere Deum, pourquoi pas, après tout ? J’ai découvert que Marr avait copié plus de trois mille feuilles, qu’il avait commencé à faire un index de noms de personnes, un index des matières et qu’il avait aussi étudié la ville de Dux et ses habitants au XVIIIe siècle.
C’est avec un grand sentiment de reconnaissance que j’ai allumé mon ordinateur pour moderniser le projet de Marr et continuer l’œuvre inachevée.
Le travail reste inachevé, mais beaucoup a été accompli."