Répertoire des œuvres de Giacoma Casanova conservées au château de Dux

Les papiers de Casanova à Dux

Après une vie d’aventurier aux dimensions européennes, Casanova a choisi une fin de vie plus calme : à partir de 1785, il s’installe au château de Dux, propriété du comte de Waldstein, où il est chargé de gérer une importante bibliothèque. C’est là qu’il écrit Histoire de ma vie et qu'il meurt en 1798. Le manuscrit de l’Histoire de ma vie, légué à un neveu, est conservé dans la famille jusqu’à sa vente, en 1821, à F. A. Brockhaus : il connaît alors sa propre histoire éditoriale. Le reste des papiers est demeuré au château de Dux : des manuscrits qui témoignent des lectures, des curiosités, des formes d’écriture variées de Casanova (théâtre, ouvrages historiques, essais, poèmes, roman, dialogues, récits) ; de nombreux papiers (notes de travail, brouillons d’œuvres publiées ou non, documents privés – lettres, passeports, factures, etc.) et une très importante correspondance. C’est cet ensemble d’environ 9 000 pages pour quelque 2 800 pièces (1) auquel introduit le Duxionnaire électronique.

L’histoire de la conservation des archives de Dux est faite de vicissitudes : des pièces ont été prêtées et perdues, d’autres, vendues. Leur rangement a été plus que discutable. En 1895, une société de fidéicommis les a inventoriées et réparties en 38 « dossiers » ou séries, ce qui a influencé le plan de classement encore en usage. Elles ont ensuite été l'objet de deux catalogues sommaires : le premier par Arthur Symons (1902) et le second par Arthur Mahler (1905); ensuite par un industriel du voisinage, Bernhard Marr (1856-1940) qui, après des années de labeur et sous forme manuscrite, a fourni le premier catalogage complet du fonds. Il a ajouté deux dossiers (Umschlag) aux 38 constitués : un 39e (pièces provenant de la petite bibliothèque du château) et un 40e (pièces ne provenant pas de Dux). Ce sont les cotes de cet instrument de travail fondamental pour les recherches casanovistes qui servent encore à identifier les documents conservés à Prague : « U/X ou Marr X/X/X » : dans le Duxionnaire, le U de Umschlag a été remplacé par « Marr ». Avec son Duxionnaire et ses Archives de Dux, Marco Leeflang a mis ses pas dans ceux de Bernhard Marr pour aider les chercheurs à préparer leur travail sur les manuscrits de Casanova, la plupart issus de Dux et conservés aux Archives de Prague (Státní oblastní archiv v Praze). Le catalogue de Bernhard Marr (Casanova Nachlasz…) n’étant pas diffusé, c’est le Duxionnaire de Marco Leeflang qui a été utilisé (2). Sa diffusion a été paradoxale : largement présenté comme une référence fondamentale (3), il était fourni sur demande par son auteur. Avantage : des tirages « maison » intégrant les dernières mises à jour. Quant aux transcriptions, celles de Bernhard Marr (environ 10 000 pages manuscrites) ne sont pas non plus diffusées, et celles de Marco Leeflang (environ 3 500 pages dactylographiées, avec des insertions de copies de Marr), étaient, elles aussi, fournies sur demande. Enfin, la reproduction des originaux a eu sa propre histoire, où apparaissaient parfois des entraves (techniques, juridiques, politiques), d’autres fois des gestes de coopération.

Cette histoire des papiers de Dux explique pourquoi des écrits, des lettres et des documents qui, outre leur intérêt propre, sont potentiellement précieux pour éclairer des points de l’Histoire de ma vie et pour l’édition critique d’autres opus casanoviens, sont, sinon terra incognita, du moins encore à exploiter ou à étudier malgré tous les efforts des casanovistes, universitaires ou non, originaires d’Europe ou des États-Unis, depuis plus de 150 ans.

Évidemment, depuis deux siècles, des pièces des archives de Dux ont été publiées : dès la fin du XIXe siècle, des inédits et des documents, grâce à Gustave Kahn, à Pompeo Molmenti, à Octave Uzanne… ; au début du XXe siècle, ce sont des pans de l’importante correspondance de Casanova qui ont été rendus accessibles. Pourtant, malgré les efforts qui ont été poursuivis dans la seconde partie du siècle et jusque très récemment, cette dernière n’est pas encore bien connue. Enfin, les éditions récentes de l’Histoire de ma vie, en Pléiade ou dans la collection Bouquins, ont été l’occasion de donner en annexe des textes exploitant les archives de Dux.

(1) 2 813 pièces en tout, d’après Marco Leeflang, soit 1 703 lettres (3 523 p.) ; 50 dialogues ou pièces de théâtre (829 p.) ; 282 textes en prose de plus d’une page (2 457 p.) ; 150 notes sur différents sujets (241 p.) ; 67 pièces imprimées sur Casanova (632 p.) ; 171 documents divers – comptes, factures, enveloppes... (434 p.) ; 390 textes en vers (1 057 p.).

(2) Il compte 40 sections. La 40e, celle des documents ne provenant pas des possessions du comte de Waldstein, a été considérablement augmentée. Une version abrégée et remaniée a été diffusée sous forme de microfiche avec le n° XXIII (1980) des Casanova Gleanings.

(3) Voir, par exemple, la bibliographie accompagnant l’exposition virtuelle Casanova sur le site de la BnF ou la bibliographie de l’édition de l’Histoire de ma vie en Pléiade, t. III, Paris, Gallimard, 2015, p. 1182.